Addictions sans drogues, nouvelles addictions : l'ordinateur pour le meilleur et pour le pire

L'ordinateur prend une place de plus en plus importante dans la vie des adolescents, pour travailler, se distraire, échanger, se faire des amis, créer un réseau. Mais il arrive que ce media devienne toxique pour la santé, soit en raison de l'excès de temps consacre à cette occupation, soit en raison de l'utilisation problématique qui en est faite, comme nous le verrons avec le Pr Dodin. C'est le mauvais côté de la médaille.

Aux addictions connues — tabac, alcool, cannabis, coke, stimulants, etc. -, « un nouveau champ s'ouvre » comme nous l'explique le Pr Vincent Dodin (Lille): la cyberaddiction. L'addiction sur internet prend de plus en plus d'importance depuis 10-15 ans. Chaque mode d'utilisation via l‘ordinateur comporte ses risques d'addiction et ses conséquences plus ou moins graves. Les jeux vidéo en ligne sont relativement peu addictifs « sauf chez les jeunes qui se sentent mal dans leur peau, complexes, ceux qui ont une mésestime d’eux-mêmes. A travers un avatar, ils vont vivre par procuration une vie de héros ». Sur une plateforme « ils jouent avec 500 jeunes - avec beaucoup de gratification ». Lorsque le temps consacré au jeu va au-delà du raisonnable, ce sont les vies sociale, familiale et scolaire qui s'en ressentent. Les jeux d'argent posent plus de problèmes. « En particulier les jeux de poker en ligne. Ils deviennent accros, jouent des nuits entières, dépensent tout leur salaire et se trouvent ensuite des situations compliquées. Ils vont parfois, par exemple, jusqu'à voler la carte bleue des parents ».

Les chats sur les réseaux sociaux et les sites de rencontres posent d‘autres problèmes. « La quête de l’autre, la recherche de l’âme sœur a partir de profils, sélectionne la personne virtuelle avec laquelle on va développer un lien idéal, parfait double. Si la rencontre se fait dans le réel, elle s'avère décevante ». Les sites de rencontre se multiplient et sont fréquentés par les jeunes. La recherche de partenaires pour une soirée peut avoir également des conséquences en termes de situations de violences, maltraitances, voire de maladies sexuellement transmissibles. Cela concerne parfois des enfants très jeunes, 16-17 ans, parfois moins. 

Le rôle de la famille
Le rôle des adultes se situe à plusieurs niveaux: celui de la prévention, de I ‘autorité bienveillante à mettre en place dans la famille, de la façon dont on peut donner un sens à une vie sans addiction. La prévention consiste essentiellement à « permettre de structurer le quotidien, de créer des espaces qui permettent de se développer, de se construire ». Il faut « faire respecter un certain nombre de moments qui font partie des rythmes et des rites aussi ». Par exemple, le Pr Dodin suggère que la famille « puisse réserver des moments incontournables, des temps conviviaux sans téléphone, sans écran, toutes ces choses qui viennent polluer ces moments-là ». Le temps du sommeil doit être également respecté. « A partir d’une certaine heure: pas de téléphone, pas d‘écran! ». Quant au temps du loisir, la vie associative, l'activité sportive ou culturelle doivent être privilégiées ... L'autorité bienveillante est « difficile à appliquer dans une société addictive », reconnait le Pr Dodin. Mais il ne s'agit pas de rechercher un sevrage immédiat par des interdits qui augmenteraient les résistances. Il faut s'appuyer sur les ressources du jeune, l'aider à se projeter sur d'autres activités, mettre en place des paliers, des petits pas et de faire prendre conscience des difficultés pour les dépasser. La nécessité d‘inverser le mouvement va de pair avec celle de « réinscrire les jeunes dans une perspective nouvelle ». Au-delà d’une consultation et d'un travail éventuel avec un psychologue pour accompagner le jeune, lui permettre de grandir, de dépasser ses angoisses, il faut l'aider à se rouvrir à ses amis, ses parents, l’environnement et le monde et donner un sens à sa vie. 

Le Pr Vincent Dodin est l’auteur de l’ouvrage : Guérir les addictions chez les jeunes, Desclée De Brouwer.