Un couple assassiné à Haïti en allant rencontrer ses enfants

« Comment un des plus beaux jours de la vie peut se transformer en le dernier ». Voilà les premiers mots qui me sont venus lundi 25 novembre 2019 soir quand j'ai entendu à la radio qu'un couple parti en Haïti pour adoption s'était fait tuer. Émotion d'autant plus grande que j'avais rencontré ces 2 personnes et que nous avions échangé quelques messages au moment de leur apparentement.  Nous avions déposé notre dossier dans ce pays la même année et via le même organisme.

Atroce, incompréhensible, inimaginable...

Bien sûr, je mentirais si je disais que je ne me suis pas dit que j'aurais pu être à leur place. Cela me glace le sang.

Lorsqu'on entame une démarche, on est prévenu de ces situations politiquement difficiles mais on se dit que tout ce qui compte c'est d'aller rencontrer son (ses) enfant(s) et que rien ne pourra nous arrêter. Les enfants allument une flamme dans nos yeux et on ne voit plus rien autour, on ne voit pas les risques potentiels. Et pourtant, Mélina et Alexandre en ont été malheureusement les témoins...

J'ai une pensée très émue pour leurs familles, leurs amis et pour les deux enfants qui les attendaient...

Comment la situation va être présentée à ces enfants qui étaient déjà en difficulté, en souffrance affective ? Quelle suite pour eux ? Quel futur ?

Et tous les enfants qui ont déjà rencontré leurs parents et qui attendent de les revoir le plus tôt possible ? Mais « le plus tôt possible » ne veut plus rien dire.

Et je pense à tous ceux qui sont dans ma situation, en attente d'apparentement dans ce pays, apparentement qui devait être imminent... Nous l'avons juste effleuré. Et surtout nous nous interdisons de parler de nous, de notre grande déception, de notre essoufflement quant à notre propre démarche. Il serait déplacé et égoïste de ne penser qu'à nous même... car nous, nous sommes vivants et nous ne sommes pas des enfants qui attendent leurs parents.  Alors nous ravalons notre détresse et la gardons là, bien au fond.

Et puis, c'est dans ces moments là qu'on se rend compte aussi que le monde de l'adoption est un monde à part.

Bien sûr que l'entourage proche y est davantage sensibilisé que les autres. Mais il ne maîtrise pas tous les tenants et les aboutissants d'une telle démarche (durée, risques, formations...).

Et qu'en est-il de l'entourage plus « lointain » ? « Ah oui, c'est atroce » « Oui, j'en ai entendu parler hier », « Ah, c'est là-bas que tu dois aller ? »... et la vie reprend immédiatement son cours, plus aucune question ou remarque à ce sujet.

C'est dans ces moments là qu'on se rend compte qu'on est parfois un peu seul(s) face à cette montagne qu'est l'adoption. Seul(s) avec soi (nous) même pour avancer, traverser des passages difficiles avec l'angoisse que cela provoque, changer de sentier car celui prévu est devenu impraticable, repousser son arrivée au sommet pour cause de météo défavorable, parfois y renoncer pour un temps, mais aussi, et heureusement, pour traverser une magnifique prairie fleurie, croiser des randonneurs qui nous saluent avec un grand sourire, rencontrer des marcheurs qui vont dans la même direction que nous et qui nous encouragent, se sentir vivant.